2.18.2006

Remerciements spéciaux

Une gracieuseté de Jean-Nowel Jolicoeur Marcil


Je tiens à remercier les personnes d'autorité, d'intégrité et surtout payées par mes taxes et les vôtres qui ont fait l'excellent travail de nous dire, à moi et ma famille, que mon père s'était suicidé l'année dernière. Je voudrait encore plus les remercier pour la blague autant plus excellente que de nous appeler, avant-hier, soit presque un an après son décès, pour nous dire qu'ils avaient oublié de nous avertir que ce n'était pas un suicide, mais bel et bien un infarctus qui l'avait emporter. Merci beaucoup. Très drôle.

À vous qui semblez tant vous soucier de notre sens de l'humour, dites-vous que la blague a été réussie à un degré plus qu'excellent.

Je vous remercie pour cette belle année passée dans le doute, la souffrance et la haine. Je me suis très bien amusé à essayer de comprendre pourquoi un tel geste, à essayer de m'imaginer à quel point il a pu souffrir pour commettre un tel acte, mais surtout, comment était-il possible que PERSONNE ne s'en aperçoive. De la culpabilité, j'en ai eu, j'en ai eu en tarbarnack même. Des remords aussi, des remords pour toutes les fois où j'ai eu l'impression que je n'avais pas dit à mon père la bonne chose, pas agis de la bonne manière. Mais aussi, plein de remords pour l'avoir détesté, avoir pleuré en le haïssant pour ce qu'il avait fait à moi et toute ma famille. Je vous remercie pour toutes les fois où je l'ai traité de tous les noms parce que je croyais qu'il s'était fait aveugler par cette machine capitaliste scrupuleuse qu'est la société moderne, aveuglé à un point même où il avait pu oublier ce qu'était le bonheur, celui qui ne pu pas l'argent. D'avoir oublié sa famille, sa femme qu'il aimait, ses deux enfants dont il prétendait être si fier, ses amis, ses frères et ses sœurs, mais aussi, son chalet qu'il construisait et où il disait être si bien. Je vous en remercie. Mais je ne suis pas le seul sûrement à avoir apprécié la blague.

Je suis sûr que ma mère voudrait elle aussi vous remercier. Vous remercier pour l'avoir anéantie en lui faisant croire que celui qu'elle aimait tant lui cachait tout de ce qu'il vivait vraiment, qu'il lui niait toute cette peine intérieure. Elle vous remercie sûrement aussi pour toute la culpabilité qui l'a rongée, toute cette colère envers elle-même. Elle vous remercie sûrement aussi pour toutes ces nuits passées à essayer de comprendre ce qui avait pu le mener à commettre un tel geste. Aussi, je suis sûr qu'elle a apprécié avoir à annoncer cette horrible nouvelle à ses enfants, à sa famille, mais aussi, aux nombreux amis et connaissances de mon père.

Mon frère tiens lui aussi à vous remercier. Lui qui a eu la terrible malchance de trouver le corps de mon père et de venir nous l'apprendre, il a dû apprécier la nouvelle. Il a dû apprécier le fait qu'il croyait que nous lui cachions tout de ce qui se passait avec mon père, mais surtout, il a dû grandement apprécier avoir à comprendre et interpréter toutes les images qui s'étaient gravées à jamais dans sa tête comme un suicide. Une formidable expérience dont il doit être bien reconnaissant envers vous aujourd'hui!

Aussi, mon oncle, qui était avec mon frère lors de la pénible découverte, doit vous être très reconnaissant lui aussi. Lui qui, par le passé, avait été recueilli de justesse par mon père quelques moments avant qu'il commette lui même l'irréparable. Il a dû adorer vivre avec le sentiment de culpabilité accablant de ne pas avoir été capable de lui rendre la pareille.

Et pour son meilleur ami, qui est encore abasourdi par la tournure des événements et qui ne comprenait pas comment son meilleur chum avait fait pour faire quelque chose d’aussi déplorable, merci.

Finalement, au nom de tous ses frères et sœurs, de tous ses amis, ses clients, ses compagnons de travail et ceux qui le connaissaient bien et qui aimaient bien rire avec ce gros bougre, mais surtout, pour son nom, sa réputation voire toute sa vie et ses réalisations qui furent signées par cette note indigne, injustifiée, mais surtout horrible, merci beaucoup. Merci infiniment, c’est le genre de blague que l’on apprécie.

Maintenant, pour toutes les personnes qui ont dû rire pendant un an de votre blague à cause de votre manque d’humanité déplorable pour n’avoir jamais pris le temps de nous remettre les pendules à l’heure juste, je vous rassure en vous disant que la blague n’est pas terminée. Nous n’avons pas encore fini de rire. Maintenant, on ne rit plus aux larmes, mais on rit plutôt rage.

Je vous suggère de laisser de côté votre sens de l’humour pour un moment et d’enfiler vos beaux habits de rédemption, parce que je connais beaucoup de personnes qui ont passé une excellente année à se gonfler d’excellentes raisons pour avoir envie de vous crisser leur poing dans la face. Je vous suggère d’être très convaincants dans vos excuses et d’être capable de plus de diplomatie, car vos talents semblent assez limités dans ce domaine. Mais surtout, je vous suggère d’avoir d’excellentes raisons pour expliquer votre blague de nous avoir gardé si longtemps dans le mensonge, d’avoir des arguments incroyables pour justifier votre total manque de cœur face à ce que les gens ont pu ressentir et de vous exprimer clairement face aux raisons qu’un tel geste peut être commis dans notre système, car vous savez, notre sens de l’humour est maintenant très limité.

En passant, ne vous inquiétez pas, nous prendrons bien sûr toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que vous recevrez l’expression de notre plus humble gratitude au cours des jours qui suivent, tout de suite après que nous ayons pu effectuer notre second deuil et que nous ayons pu par miracle mettre fin à un douloureux chapitre de notre vie, un chapitre que nous croyions avoir à vivre pour le restant de nos jours…

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Et à toi papa, je ne pourrai jamais assez te remercier pour tout ce que tu m’as donné… Je regrette tellement cette dernière année, ces pensées que j’ai pu avoir et que je n’aurais jamais dû vivre, ces choses pour lesquelles j’ai pu être tant en colère envers toi et dont je n’aurais jamais dû même croire, j’ose espérer que si tu étais ici encore aujourd’hui, tu me pardonnerais…

Repose en paix maintenant bonhomme, tu le mérites bien, et dis-toi que ta grosse voix et tes mauvaises blagues nous manquent à tous…


-Fred